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Une enfant de la République : la France que j'aime

#blabla #histoire #nonerotique #mainstream #education #culture #piano #nosex
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Crédits : anekoho - stock.adobe.com
Crédits : anekoho - stock.adobe.com

C’est un billet un peu différent qui me tient à cœur depuis longtemps et que je prends le temps d’écrire aujourd’hui. C’est mon histoire personnelle et elle n’est pas érotique donc passez votre chemin si c’est ce que vous cherchez :)

 

Bien que je ne fasse pas « couleur locale » ici en France, je suis de nationalité française car mes parents ont été naturalisés avant ma majorité.

 

Je suis une « banane » : jaune à l’extérieur, blanche à l’intérieur :)

 

Mes grands-parents étaient Chinois et pour fuir une guerre, ils ont émigré au Cambodge. Mes parents y sont nés. Ils font partie de la communauté « Teochew ». C’est un dialecte dérivé du cantonais, que je surnomme le « chinois du XIIIe » parce que je l’entends souvent dans ce quartier haha.

 

Mes parents sont donc des Chinois du Cambodge. Ils se sont mariés selon les traditions : mon père a choisi ma mère, mais c’est mon grand-père maternel qui a choisi mon père pour ma mère. Elle l’a donc rencontré le jour de son mariage, autant dire que cela paraît inconcevable de nos jours en France même si finalement, ça n’est pas si lointain que ça, même dans la culture occidentale. En effet, les mariages arrangés en France ont été majoritaires jusqu’à la seconde guerre mondiale (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mariage_arrangé).

 

Ma mère était très belle et avait plusieurs prétendants mais c’est mon père que mon grand-père a choisi. Pourtant, il ne venait pas d’une famille aisée, mais son père (mon grand-père paternel donc) était un grand guérisseur, et certainement avait-il vu que mon père avait aussi un bon cœur (en tout cas, j’aime à le penser).

 

Ils se sont donc mariés. Après avoir travaillé pendant 2 ans avec les parents de ma mère, ils ont ouvert leur propre magasin et ont pu se construire une belle situation. Ils ont eu 4 enfants et semblaient vivre confortablement. Visionnaire, mon père avait acheté plusieurs terrains d’hévéa pour produire du caoutchouc.

 

Malheureusement, en 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir et instaurent une dictature pendant 4 ans. Ils assassinent 20% de la population de l’époque, soit environ 1,7 million de cambodgiens, leur propre peuple. Il n’y a pas de guerre d’ethnie (je ne dis pas que c’est mieux) mais c’est un régime arbitraire où chaque individu peut être tué sous n’importe quel prétexte. Souvent, ils exterminent les intellectuels.

 

Le film « La déchirure » relate bien l’horreur de cette période. Il a reçu de multiples récompenses (3 Oscars, un Golden Globes et le BAFTA du meilleur film en 1985). J’ai vu ce film alors que j’étais petite et il m’a traumatisée.

 

Mon père ayant pressenti les événements, la famille fuit juste avant le génocide Khmer rouge. Durant cette fuite, mes parents trouvent refuge dans une cabane et ma mère alors enceinte, accouche sous des rafales de mitraillette. Elle perd malheureusement l’enfant.

 

Ils rejoignent la Thaïlande où ils vivent pendant 2 ans dans un camp de réfugiés. C’est durant cette période que ma mère apprend à cuisiner tous les plats de mon enfance.

 

Ils arrivent en France au début des années 1980 en tant que réfugiés politiques. Mes parents ont toujours été reconnaissants de cet asile qui leur a été offert.

 

Mes frères et sœurs vont à l’école publique française, apprennent à lire et à écrire.

 

Mes parents repartent de zéro : mon père est ouvrier dans une usine de pneumatiques (ironie du destin) et ma mère fait des ménages chez des particuliers. Ils préservent leurs enfants de cette guerre qu’ils ont fuie, de ce déracinement.

 

Je pense que mon père ne s’est jamais pardonné cette descente sociale auprès de ma mère. Eux qui avaient réussi à se construire une belle situation au Cambodge, ils en étaient réduits à être ouvrier et femme de ménage en France. Mais au moins, ils avaient échappé à ce génocide : ils étaient vivants, et avaient mis leurs enfants à l’abri.

 

Ils veillent à ce qu’ils ne manquent de rien, les inscrivent à tout un tas d’activités pour préserver leur insouciance. Ils pratiquent le judo, fréquentent l’école des beaux-arts, s’essaient à la musique, partent en colonies de vacances… Bref une enfance française « normale ».

 

Je viens au monde quelques années après. Je n’étais pas prévue au programme : je suis un « accident » puisque j’ai 10 ans d’écart avec le benjamin de la fratrie, et 20 ans avec l’aîné. Cela n’empêche pas toute la famille de me choyer : je grandis entourée d’amour et de soins, comme une enfant unique au milieu d’une famille nombreuse.

 

Je grandis dans une cité HLM et je côtoie beaucoup de cultures. Toutes les communautés vivent à l’époque en harmonie, bien que ces zones soient médiatisées négativement.

 

Mes parents bénéficient des aides familiales de l’Etat bien qu’ils travaillent tous les deux.

 

Mon père fait les 3/8. Quant à ma mère, en plus de son travail, elle assure l’entretien de toute la maisonnée : elle s’occupe des courses, des repas, du ménage, du linge, et prend le temps de jouer avec nous…

 

Quand j’étais petite, je me rappelle que l’arrivée du lave-linge leur avait changé la vie. Je ne pouvais pas comprendre à l’époque, mais aujourd’hui, je me rends compte que la vie n’était pas simple, et pourtant ma mère faisait face pour garder ses petits à flots, pour qu’ils aient l’enfance la plus « normale et insouciante » possible. Aujourd’hui, nous sommes tellement assistés dans nos tâches ménagères avec tous ces appareils qui soi-disant nous font gagner du temps, mais finalement, que faisons-nous vraiment de ce temps ? En profitons-nous pour passer du temps de qualité avec les personnes que nous aimons le plus ? Ou le perdons-nous dans ces vortex de réseaux sociaux… Et en plus, nous nous plaignons de la charge mentale liée au ménage. Bref je m’égare :)

 

Comme mes frères et sœur, je fréquente l’école publique. J’adore l’école et elle me le rend bien. Mes professeurs m’encouragent et je fais quasi toute ma scolarité en tant que première de ma classe. J’aime apprendre à l’école, j’ai un caractère qui s’adapte bien à cette méthode. Je ne dis pas que c’est la meilleure qui existe, mais elle me correspond et je m’y épanouis.

 

Mes parents ne parlent pas bien français et je fais mes devoirs toute seule, en totale autonomie. Je les aiderai même dans leurs démarches administratives avec mes frères et sœurs.

 

Ils rêvent que j’aie une bonne situation, pour conjurer certainement celle qui est devenue la leur, et que je devienne ingénieure. Dans ce pays où l’école est publique, ce rêve est accessible.

 

Bien que je grandisse dans une ville constituée en partie de barres HLM, j’ai la chance qu’elle propose des services culturels à portée des plus modestes : l’école de musique et la bibliothèque municipale. Autant dire que j’y ai passé une grande partie de mon enfance.

La petite fille a bien grandi !
La petite fille a bien grandi !

On m’inscrit au piano dès l’âge de 6 ans mais je subis 2 années de solfège où je ne comprends quasiment rien, et personne à la maison ne peut m’aider. Cela ne m’empêche pas de progresser grâce à une jeune professeure de piano qui m’encourage avec bienveillance.

 

La vidéo de la Fantaisie Impromptu de Chopin :)

 

Je fréquente ces deux établissements culturels jusqu’au bac. Je dévore des centaines de livres. J’apprends également plusieurs autres instruments : en parallèle du piano, j’essaie le saxophone pendant un an, mais ça ne me plaît pas. Je tombe ensuite amoureuse du vibraphone, et je finis par les percussions (timbales, batterie, accessoires).

 

Je joue dans un orchestre d’harmonie (comme un symphonique mais sans les cordes) et je rencontre beaucoup de personnes adorables et bienveillantes.

 

Ensuite, le bac en poche, je me dirige vers des études supérieures courtes car je veux être indépendante financièrement le plus rapidement possible. Je choisis un DUT, toujours dans le public donc : 2 années après le bac, je peux théoriquement travailler. J’ai la chance d’être boursière et de bénéficier en plus d’un logement étudiant en CROUS.

 

Je rencontre une partie de mes meilleures amies pendant ces 2 années d’études où les professeurs nous bichonnent, et où les cours sont très bien enseignés.

 

J’obtiens de bons résultats et mes professeurs m’assurent que je devrais déposer des dossiers dans des écoles pour poursuivre en cycle supérieur. Je leur fais part de mon désir d’être indépendante rapidement : « 2 ou 3 années de plus, ça n’est rien à ton âge. Après ça sera plus compliqué. Dépose des dossiers, tu verras bien. Et tu ne le regretteras pas. »

 

Je leur suis tellement reconnaissante pour ces conseils, ils avaient raison. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir eu sur ma route des personnes aussi bienveillantes.

 

J’ai donc la chance d’être acceptée pour les 2 cursus auxquels je postule, et je choisis l’école d’ingénieurs, publique toujours, pour faire plaisir à mes parents. Quelques années plus tard, ils assistent émus à ma remise de diplômes.

 

Plus tard, alors que j’exerce en tant qu’ingénieure, je réalise mon rêve de petite fille et obtiens mon CAP de pâtisserie en candidate libre. Je ne paie que peu de frais d’inscription, et un excellent cours en ligne, dispensé par 2 passionnés (qui n’est malheureusement plus maintenu visiblement).

 

Aujourd’hui encore, je me lance dans l’apprentissage du violoncelle, un autre rêve de petite fille, et je me suis de nouveau inscrite dans une école de musique municipale, en payant peu de frais et en bénéficiant du prêt d’un instrument.

 

Je ne peste pas de payer des impôts, j’ai bien conscience de tout ce dont ma famille et moi avons bénéficié et bénéficions encore, dans l’éducation, la culture mais aussi dans la santé.

 

Grâce au système français, même si je viens d’une famille qui a fui une guerre et qui est devenue modeste, j’ai eu la chance d’avoir eu une bonne éducation scolaire, d’apprendre à jouer de plusieurs instruments de musique, de lire beaucoup de livres, et de devenir ingénieure et pâtissière.

 

Le libertinage est une philosophie de vie que j’ai finalement naturellement adoptée, et qui montre à quel point j’ai intégré l’esprit français, expression ultime d’un mode de pensée libertaire.

 

Etre devenue libertine est finalement le point d’orgue de mon éducation française :)

 

Je veux continuer à croire au système français. « On n’a pas de pétrole mais on a des idées. »

Et surtout, de l’humanisme et de la liberté, du romantisme et de l’amour.

 

Nous sommes les héritiers du siècle des lumières, et nous devons nous en montrer dignes et continuer à le faire rayonner.

 

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stephanebasselier@gmail.com
merci pour ce post trés bien écrit. stephane